Chaïm Soutine est le plus « misérable » de l’École de Paris.
Né probablement en 1893, il arrive à Paris en 1913.
A l’âge de seize ans, Soutine transgresse la loi juive de la représentation des images : il portraiture le rabbin du village.
Enfermé par le boucher, il fut frappé dans la chambre froide du magasin.
Il assiste aussi à des rituels sacrificiels, devant lesquels le crie s’étouffe dans sa gorge, ce qu’il définit sublime, une beauté horrible. L’ensemble de ces événements ont eu une forte influence sur son caractère et son esprit tourmenté. Peindre devient, donc, le moyen pour restituer ce cri.
Il peint des bœufs écorchés ou des volailles plumées, avec une référence directe à Rembrandt.
Puis, en 1913 Soutine est à Paris et il loge dans le quartier de Montparnasse, qui était à l’époque riche de fermes et d’écuries. C’était le quartier intellectuel, où la bourgeoisie côtoyait la pauvreté. L’ouverture aux Beaux-Arts avait permis l’affirmation des académies, comme celle de Bourdelle et de la Grande Chaumière, ainsi que la cité Falguière qui était plus proche du style du Bateau-Lavoir.
Impasse Dantzig, proche des abattoirs de Vaugirard, desquels provient l’odeur de puanteur et de sang, il y avait l’un des lieux les plus importants de Montparnasse: la Ruche, qui accueille de nombreux artistes juifs, était l’ancien pavillon des Vins de l’Exposition universelle de 1900, dont le toit rappelait une ruche. Soutine loge dans un espace sans eau, sans gaz et sans électricité.
Il peint des visages tourmentés et déformés. Seul artiste expressionniste en France, contrairement à l’expressionnisme allemand ou autrichien, il ne dénonce rien, mais il peint une réalité parfaitement reconnaissable en s’appuyant sur son incroyable capacité de perception des êtres. Homme timide, sale, il aime lire Baudelaire et écouter du Bach. Et dans sa peinture il se partage entre le tragique et la joie.
Le temps est absent dans son œuvre, comme chez Modigliani.
Ses portraits revêtent une dimension inquiétante, à travers des touches de couleur souples et sinueuses, vives, désordonnées qui reflètent son âme tourmenté et son exigence de peindre et célébrer le sujet qui est peint, mais c’est aussi une espèce de vomissement et de viol du modèle par les traits de pinceau et par la couleur.
Il détruit souvent ses toiles, pris par une insatisfaction mêlée à l’exigence.
Il dissimule le corps, de la tête il montre les organes des sens : les yeux, le nez, les oreilles et la bouche. Il les agrandit, les disproportionne pour mettre en évidence la puissance sensorielle dans le visage. Les mains c’est le touché. Les plis de vêtements conservent l’ébullition du corps.
Le corps est représenté en proie à la dislocation, il est à moitié mort et à moitié vivant. La dissymétrie chez Soutine renvoie à un développement des intensités expressives d’un corps non-académique.
L’humanité est déplacée et déportée, comme lui-même.
Le Petit Pâtissier – 1922/1923 – huile sur toile – musée de l’Orangerie, Paris